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Obligation de ministère d’avocat devant la CAA : précisions en cas de carence de l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle

Public - Droit public général
13/12/2023
Les appels formés contre les ordonnances rendues par les juges des référés des tribunaux administratifs sur une demande de constat en application de l'article R. 531-1 doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par un avocat ou un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Lorsque le requérant a présenté une requête sans avocat, et qu’un avocat lui a été attribué au titre de l’aide juridictionnelle mais n’a pas adressé de conclusions à la Cour administrative d’appel, celle-ci ne peut déclarer la requête manifestement irrecevable sans adresser une mise en demeure à l’avocat. C’est ce qu’a déclaré le Conseil d’État dans une décision rendue le 1er décembre 2023.
Dans cette affaire, un requérant avait demandé au juge des référés la désignation d’un expert sur le fondement de l’article R. 531-1 du CJA et s’était vu opposer un rejet. Il avait alors formé appel contre l’ordonnance, et vu son appel rejeté pour illégalité manifeste, faute d’avoir eu recours à un avocat, ou un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Dans une décision rendue le 1er décembre 2023 (CE, 1er déc. 2023, n° 468973, Lebon T.), le Conseil d’État annule l’ordonnance de la Cour administrative d’appel (CAA). Le requérant avait demandé l’aide juridictionnelle, qui lui avait été attribuée, mais l’avocat désigné n’avait pas adressé de conclusions à la Cour. Le Conseil juge que la CAA aurait dû adresser une mise en demeure à cet avocat.

Obligation de ministère d’avocat mentionnée dans la notification ou mise en demeure de régularisation

Le Conseil d’État déclare : « Aucune disposition du code de justice administrative ne dispense du ministère d'avocat la partie qui relève appel d'une ordonnance rendue en référé sur une demande de constat en application des dispositions de l'article R. 531-1 de ce code ».
 
Il en résulte pour la Haute juridiction, que dans certaines conditions, les CAA peuvent rejeter une requête d’appel présentée sans ministère d’avocat sans demande de régularisation préalable. C’est le cas si la notification du jugement du tribunal administratif précisait l’obligation de ministère d’avocat, ou « après l'avoir mis en demeure de régulariser sa requête ».
 
Mise en demeure de l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle
 
Le Conseil d’État vient apporter une précision supplémentaire pour le cas où le requérant aurait obtenu la désignation d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle. En pareil cas, et si l’avocat n’a pas produit de mémoire, le juge d’appel ne peut « rejeter la requête sans (l’) avoir préalablement mis (…) en demeure d'accomplir, dans un délai qu'il détermine, les diligences qui lui incombent et porté cette carence à la connaissance du requérant, afin de le mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant. » Il justifie cette solution par la volonté d’assurer au requérant le bénéfice effectif de l’aide juridictionnelle, droit issu de la loi du 10 juillet 1991.
 
En l’espèce, la notification de l’ordonnance du juge des référés ne contenait pas la mention selon laquelle l’appel doit être présenté par un avocat ou par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.  Le requérant avait alors fait appel sans recourir au ministère d’avocat, mais avait été mis en demeure de régulariser sa requête. Le requérant avait ensuite demandé à bénéficier de l’aide juridictionnelle. Un avocat lui avait été attribué mais n’avait pas produit de mémoire.

Dans ces conditions, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en déclarant la requête manifestement irrecevable « sans mettre en demeure l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle d'accomplir les diligences qui lui incombaient » ni informer le requérant de la carence de cet avocat.
 
Dispositions applicables :

En application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens »
 
Selon l’article R. 612-1 « Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ».
 
En application de l'article R. 751-5 al. 2, lorsque la décision rendue relève de la CAA, la notification mentionne que l'appel ne peut être présenté que par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, à savoir soit un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
 
Le CJA prévoit une obligation de recours au ministère d’avocat devant la CAA : « Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. »
Le même article prévoit qu’en l’absence de cette mention, « le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées aux articles R. 612-1 et R. 612-2 (...) ».
Source : Actualités du droit