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Rédaction des décisions de justice : « en langage maternel françois et non autrement »

Public - Droit public général
05/04/2022
Dans un arrêt du 1er avril 2022, le Conseil d’État a rappelé qu’en application de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les décisions de justice devaient être rédigées en langue française, ou, en cas de citation d’un texte en langue étrangère, comporter une traduction ou une explication. La présence d’une citation en langue anglaise sans traduction entache l’arrêt de la cour administrative d’appel d’irrégularité.
Dans un arrêt du 1er avril 2022 à mentionner aux tables du recueil Lebon (CE, 1er avr. 2022, n° 450613), le Conseil d’État a rappelé que les jugements devaient être rédigés en langue française.
 
« En vertu du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution et de l'article 111 de l'ordonnance d'août 1539 sur le fait de la justice, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, tout jugement doit être rédigé en langue française ».

Cet article 111 de l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice (dite ordonnance de Villers-Cotterêts), toujours en vigueur, dispose :

« Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement ».


En l’espèce une société domiciliée dans l'Île de Man avait recouru aux services d’une société française pour produire des films et émissions pour la promotion d’un jeu de poker en ligne. La société française avait facturé la TVA, ce qui était contesté. La cour administrative d’appel, pour fonder sa décision, s’était appuyée sur les dispositions d’une loi relative à la TVA applicable à l’Île de Man, sans les assortir d’une traduction, en indiquant dans son arrêt :
 
« Sont exonérés de TVA, en vertu de l'article 31 du Value Added Tax Act 1996 de l'Ile de Man, au titre du groupe 4 " betting, gaming and lotteries ", les services ayant pour objet : " 1. The provision of any facilities for the placing of bets or for the playing of any games of chance for a prize (...) ". »
 
Le Conseil d’État déclare que « Lorsqu'une partie se prévaut d'un texte juridique rédigé en langue étrangère, le juge doit, s'il l'estime utile à la solution du litige, faire procéder par celle-ci à sa traduction en français, dans des conditions qui en attestent l'authenticité, et soumettre cette traduction au débat contradictoire ». La seule présence d’une citation en langue étrangère au sein d’une décision juridictionnelle n’entache pas la décision d’irrégularité, à la condition « que cette citation (soit) assortie soit de sa traduction en langue française, soit d'une explicitation de sa teneur en français ».
 
Ainsi, déclare la Haute cour, en mentionnant des dispositions en anglais sans traduction ni explication, la cour a entaché son arrêt d’irrégularité.
 
Pour aller plus loin :
Sur la rédaction du jugement par les juridictions administratives, voir Le Lamy contentieux administratif nos 758 et s.
Source : Actualités du droit