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Marchés publics de l’État : la prise en charge des surcoûts liés à l’épidémie de Covid-19 précisée par circulaire

Public - Droit public des affaires
17/06/2020
Par une circulaire en date du 9 juin 2020, Édouard Philippe clarifie les dispositions à adopter en matière de prise en charge par la maîtrise d’ouvrage d’une partie des surcoûts liés à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de la reprise des chantiers de bâtiment et de travaux publics.
Champ d’application et principe d’exemplarité de l’État

Cette circulaire porte sur les dispositions à adopter en matière de prise en charge d’une partie des surcoûts directement induits par la pandémie et l’impact des préconisations du guide OPPBTP sur le déroulement du chantier (v. Covid-19 : publication du guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction, Actualités du droit, 4 avr. 2020).

Les principes précisés par la circulaire s’appliquent à tous les marchés de travaux publics ou de bâtiment conduits sous la maîtrise d’ouvrage de l’État en application du chapitre Ier du Titre Ier du code de la commande publique sauf situations particulières. Ils ne s’appliquent pas, ainsi, aux concessions.

Ces principes complètent les mesures prévues dans l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 (v. Covid-19 : aménagement des règles de passation et d’exécution des contrats publics par ordonnance, Actualités du droit, 1er avr. 2020).  

Selon le Premier ministre, la circulaire traduit « la nécessaire exemplarité de l’État, en sa qualité de maître d’ouvrage, par la définition d’une méthode de négociation et d’un principe de répartition de la prise en charge des surcoûts ». Cette méthode doit être appliquée au cas par cas aux caractéristiques de chaque contrat. Il ne s’agit donc pas d’une obligation de prise en charge des surcoûts par le maître d’ouvrage mais d’une négociation. Par ailleurs, l’on peut noter que seuls les services de l’État sont directement concernés par ce texte. Ils possèdent toutefois la faculté « d’inviter les opérateurs de l’État placés sous leur tutelle de suivre les mêmes recommandations, dans le respect de leur autonomie ».

Il s’agit de mettre en place un dispositif formalisé de concertation en vue d’évaluer avec les entreprises concernées les différents surcoûts liés à l’épidémie. L’objectif de ce dispositif est de limiter les procédures contentieuses ultérieures et non pas « de rouvrir des discussions pour les chantiers ayant repris pour lesquels des accords ont déjà été trouvés ».

En cas de désaccord entre les parties, un recours à la médiation des entreprises (en cas d’urgence) ou aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges (CCRA) est envisageable.

Les surcoûts pris en charge

Ces surcoûts sont liés à la période d’interruption et aux nouvelles modalités d’exécution du chantier.

S’agissant des surcoûts liés à la période d’interruption, il appartient aux parties d’organiser rapidement des échanges afin de chiffrer le coût de l’interruption du chantier et de déterminer la prise en charge partielle ou totale par le maître d’ouvrage. Pour ce faire, les acheteurs de l’État possèdent la faculté d’utiliser les dispositions de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 afin de prolonger le délai contractuel d’exécution du chantier et de renoncer à toute pénalité de retard. En outre, ils leur appartiennent de « chiffrer les coûts directs d’interruption correspondant aux mesures de mise en sécurité du chantier, de démobilisation des matériels, de gardiennage et de maintien en condition ayant permis une reprise rapide du chantier, dès lors qu’elles sont raisonnables et justifiées ».

En cas de prise en charge partielle ou totale de ces coûts, un règlement rapide sera mis en œuvre après la reprise du chantier. Néanmoins, cette prise en charge est limitée dans le temps et ne couvre pas les dommages ou avaries consécutifs à des négligences ou des défaillances des entreprises dans l’arrêt ou la mise en sécurité du chantier.
Ces accords seront formalisés sous une forme adaptée, un avenant par exemple. Cet avenant actera les surcoûts indirects (immobilisations du matériel, les frais de personnels, etc.) pris en charge par les constructeurs et leur renonciation « à toute indemnité pour les coûts d’études et de conduite d’opération en vue de la préparation de la reprise du chantier ».

En outre, la prise en charge des surcoûts liés aux nouvelles modalités d’exécution du chantier repose également sur une concertation entre les parties. L’objectif de cette concertation est « de maîtriser, limiter les impacts financiers et de calendrier et de compenser ces impacts négatifs par des mesures d’organisation ou des économies ne portant atteinte ni à la sécurité sanitaire ni à la qualité globale de l’ouvrage ».

Les coûts de mesures sanitaires nécessaires à la sécurité du chantier pourront être pris en charge partiellement ou totalement par les services de l’État en commandant des travaux, des prestations supplémentaires ou en modifiant par avenant les prestations initiales pour circonstances imprévues. Les augmentations de prix absorbées par les clauses de révision ne seront pas prises en charge.

Au surplus, la circulaire précise l’absence d’urgence à fixer, à ce stade, la prise en charge des pertes de rendement et des surcoûts indirects. En effet, elles ne peuvent être, dès à présent, objectivement chiffrées et sont évolutives. Dans ces conditions, les services de l’État doivent rester vigilants sur les efforts de réduction progressive de ses surcoûts de tous les intervenants sans porter atteinte à la sécurité sanitaire du chantier. Un remaniement des calendriers d’exécution des marchés après négociation avec les titulaires est également envisageable.

Les décisions prises sur le calendrier et l’éventuelle prise en charge des surcoûts seront actées dans un avenant ou un protocole transactionnel. En cas de surcoûts excessifs, le chantier pourra faire l’objet d’une suspension. Enfin, le maître d’ouvrage possède la faculté de résilier le marché.  
 
Versement d’avances forfaitaires majorées et intégration du risque pandémie dans les futurs appels d’offres

La circulaire précise qu’« en dehors des chantiers hors normes (plus de 100 millions d’euros), les services de l’État accueilleront favorablement le versement d'avances forfaitaires majorées avec des dispositifs garantissant et démontrant le ruissellement de ces avances, au prorata de leur participation au chantier, auprès de l'ensemble des sous-traitants, conformément à l'article R. 2193-19 du code de la commande publique ».

De surcroît, dans l’organisation des futurs appels d’offres, il sera tenu compte d’une éventuelle recrudescence de la pandémie ou d’une nouvelle pandémie afin de garantir l’égalité de traitement des candidats et la juste rémunération du titulaire.

Enfin, les acheteurs de l’État veilleront à ce que le régime de l’offre anormalement basse prévu aux articles L. 2152-5 et R. 2152-3 à R. 2152-5 du code de la commande publique soit appliqué avec discernement eu égard aux circonstances particulières liées à la crise sanitaire et à ses conséquences.
 
 
Pour aller plus loin 
 
Sur l’exécution des marchés publics, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2345 et s.,
Sur les avenants, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2456 et s.,
Sur les avances forfaitaires, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2533 et s.,
Sur le médiateur des entreprises et les CCRA, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2563 et s.
 
Source : Actualités du droit