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Sanction du responsable syndical : quelles limites à la liberté d’action syndicale ?

Public - Droit public général
19/01/2022
Dans un arrêt rendu le 30 décembre 2021, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la conciliation entre la liberté d’action syndicale et les obligations du service public. Il s’agissait en l’espèce d’un agent de La Poste sanctionné pour la perturbation du service par une prise de parole intempestive dans des lieux extérieurs à son établissement d’affectation.
Un agent de La Poste bénéficiant de décharges de fonctions du fait de ses responsabilités syndicales a fait l’objet d’une exclusion temporaire de fonctions fondée sur les motifs suivants :
  • Prise de parole intempestive sans autorisation pendant les heures de service en perturbant l’exploitation de deux centres de tri ;
  • Refus d’obtempérer aux injonctions des directeurs des centres ;
  • Non-respect des consignes de sécurité ;
  • Méconnaissance des règles d’exercice du droit syndical.
 
La cour administrative d’appel de Lyon ayant annulé cette sanction, la société La Poste se pourvoit en cassation.
 
Le Conseil d’État, dans son arrêt rendu le 30 décembre 2021 (CE, 30 déc. 2021, n° 445128) rappelle que la liberté syndicale n’est pas sans limite : « Si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales disposent de la liberté d'action et d'expression particulière qu'exigent l'exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu'ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect des règles encadrant l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et le droit de grève, ainsi que de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité et au bon fonctionnement du service ».
 
Cette règle avait déjà été rappelée dans un arrêt relativement récent (CE, 27 janv. 2020, n° 426569, Lebon, t.). Dans cette affaire, le Conseil avait considéré que « des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction particulière » (voir Actualité du 28 janvier 2020).
 
Dans l’affaire ici traitée, les faits étaient différents, puisque les faits reprochés à l’agent avaient été commis dans un lieu autre que son lieu d’affectation, dans deux centres de tri de la Poste. Les deux directeurs des centres n’étaient pas les responsables hiérarchiques de l’agent.
 
La cour administrative d’appel avait considéré que l’agent qui intervenait à titre syndical dans un lieu autre que son établissement d’affectation ne pouvait « être regardé comme accomplissant une tâche liée à ses fonctions ni, partant, recevoir d'instruction hiérarchique et que l'intéressé ne pouvait dès lors être sanctionné en raison de la méconnaissance des consignes données par la hiérarchie des centres de tri de Thonon et Annemasse ».
 
La Haute cour considère que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les consignes enfreintes par l’agent relevaient d’obligations de sécurité et de la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du service. La rapporteure publique Sophie Roussel a expliqué dans ses conclusions que la cour administrative d’appel avait eu une conception trop étroite du pouvoir disciplinaire, et soit avait considéré qu’il n’y avait pas de refus d’obtempérer à une injonction hiérarchique, puisqu’il n’y avait en l’espèce pas de hiérarchie, soit avait voulu placer l’action syndicale en dehors du pouvoir disciplinaire, et préconisait donc l’annulation de l’arrêt. En effet, la circonstance que les faits aient eu lieu dans un autre établissement et en infraction à des consignes données par des personnes n’étant pas les supérieurs hiérarchiques de l’agent ayant des fonctions syndicales ne rend pas sans limites la liberté d’action syndicale de l’agent.
 
Le Conseil d’État, suivant les conclusions, annule l’arrêt et la renvoie à la cour administrative d’appel.
Source : Actualités du droit