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Référé provision : irrecevabilité du recours sans demande préalable

Public - Droit public général
27/09/2019
Le Conseil d’État, par deux ordonnances rendues le 23 septembre, a rappelé les conséquences du décret « JADE » en matière de référé provision. La demande en référé ne peut intervenir, à peine d’irrecevabilité, qu’après une demande préalable auprès de l’Administration.
Les deux cas qui se sont présentés au Conseil d’État étaient similaires : les deux requérants avaient demandé aux tribunaux administratifs de Bordeaux pour l’un (CE, 23 sept. 2019, n° 427925) et Poitiers pour l’autre (CE, 23 sept. 2019, n° 427923) au titre d’un référé-provision le paiement d’une somme correspondant à la rémunération du travail des personnes détenues.
 
Dans les deux affaires, les juges de première instance avaient fait droit aux demandes et accordé une provision.
 
Les requêtes en contestation des provisions accordées sont présentées au Conseil d’État par la ministre de la Justice.
 
La Haute cour, examinant la recevabilité des demandes en référé provision, vient rappeler les termes de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative (CJA). Ainsi, « le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable (…) ».
 
Mais c’est surtout les termes de l’article R. 421-1, modifié par le décret dit « JADE », pour Justice administrative de demain (D. n° 2016-1480, 2 nov. 2016), qui intéressent le Conseil, qui rappelle que « la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (…). Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle ».
 
Ainsi, si le premier article cité, en n’exigeant pas de requête au fond, montre une certaine souplesse dans la procédure de référé-provision, permettant le versement de la somme dans un délai réduit, le second article vient rappeler que certaines formalités restent nécessaires.
 
La Haute cour explique donc logiquement « qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d’une somme d’argent est irrecevable ».
 
Elle en conclut, dans les deux espèces, « qu’en accordant (…) une provision alors que l’intéressé n’avait pas saisi l’administration d’une demande préalable, le juge des référés (…) a entaché l’ordonnance attaquée d’erreur de droit », faisant une application à la lettre de l’article R. 421-1 du CJA dans sa nouvelle rédaction.
 
Il faut rappeler que l’ajout d’un second alinéa à cet article, précisant que la requête n’était recevable qu’après l’intervention de la décision sur une demande préalable, avait conduit à des interrogations. Le Conseil d’État y avait mis fin deux ans après l’entrée en vigueur des dispositions résultant du décret « JADE » (CE, sect., avis, 27 mars 2019, n° 426472), en annonçant qu’une requête tendant au paiement d’une somme d’argent déposée sans décision préalable de l’Administration pouvait être régularisée en cours d’instance, si au jour où le juge statue, la décision est intervenue (v. notre actualité du 3 avril 2019, Requêtes indemnitaires : la saisine sans décision préalable peut être régularisée en cours d’instance).
 
Si par cette décision, la Haute cour avait fait preuve d’une grande souplesse en permettant le dépôt d’une requête sans décision de l’Administration, elle vient par ces deux ordonnances rendues le 23 septembre rappeler que si la réponse de l'Administration n’est pas indispensable au jour du dépôt de la requête, la demande doit avoir été formulée.
Source : Actualités du droit