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L’acheteur peut-il exclure un candidat en raison de son comportement dans une procédure antérieure ?

Public - Droit public des affaires
01/07/2019
Dans un arrêt du 24 juin 2019, le Conseil d’État a jugé que l’opérateur d’un marché en cours de passation pouvait être exclu de la procédure par l’acheteur en raison d’un comportement compromettant intervenu au cours d’une procédure antérieure. Une précision de taille, étant donné que les textes applicables n’évoquent pas cette hypothèse.
En l’espèce, le dirigeant de fait d’une société avait tenté d'influer indûment sur le processus décisionnel d'attribution de plusieurs marchés publics, attitude qui avait conduit à l'ouverture d'une information judiciaire dans laquelle l’acheteur (un département) s'était constitué partie civile. Quelques années plus tard, cette société soumettait sa candidature au même département dans le cadre d’un autre marché public.
 
Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le département avait demandé au candidat d’apporter des éléments prouvant « que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause ». Jugeant les éléments présentés par la société insuffisants, l’acheteur avait exclu sa candidature, faisant application des dispositions des 2° et 5° du I de l'article 48 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
 
À la demande de la société, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille avait annulé la procédure de passation, retenant que les dispositions précitées « ne sauraient s'appliquer à des agissements constatés à l'occasion de précédentes procédures de passation ».
 
Les juges du Palais-Royal lisent entre les lignes
 
Le Conseil d’État, saisi de la question, adopte pourtant une position inverse. Selon lui, ces dispositions « ne réservent pas la faculté de mettre en œuvre cette cause d'exclusion facultative au seul cas des agissements commis dans le cadre de la procédure de passation en cours ». Il apporte ainsi une précision d’importance face au silence du texte invoqué s’agissant des comportements du candidat lors de procédures de passation antérieures à celle en cause au litige.
 
La Haute juridiction livre ainsi un considérant de principe très explicite sur ce point : pour elle, les 2° et 5° du I de l'article 48 de l'ordonnance marchés publics de 2015 « permettent aux acheteurs d'exclure de la procédure de passation d'un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d'autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n'est pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats ».
 
Pour rappel, les articles 45 à 50 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics établissent différentes causes d'interdiction de soumissionner pour les opérateurs s'étant rendus coupables de manquements incompatibles avec l'attribution d'un marché public. L’article 48 de cette ordonnance, applicable au litige en cause, vise plus précisément les interdictions de soumissionner facultatives.
Ces dispositions, abrogées au 1er avril 2019 avec l’entrée en vigueur du Code de la commande publique, sont désormais reprises aux articles L. 2141-7 et suivants de ce code. Les articles L. 2141-8 et -10, qui reprennent respectivement les dispositions du 2° et du 5° du I de l’article 48, n’apportent pas plus de précisions au sujet des comportements intervenus au cours de procédures antérieures. Cette décision du Conseil d’État, qui sera publiée au Recueil, apporte donc une importante précision de laquelle découle une protection supplémentaire pour les acheteurs publics.

Pour plus d’informations sur les interdictions de soumissionner facultatives, voir Le Lamy Droit public des affaires 2018, n° 1849.
Source : Actualités du droit